La transdisciplinarité dans les pratiques et dans la recherche : un espace paradoxal d'émergence ?

Argument 

Ce qui est fréquemment décrit comme constituant “les nouveaux paradigmes de l’hypermodernité,” se concrétise dans des choix socio-politiques et socio-économiques trouvant leurs déclinaisons dans le champ médical, social et du travail, à travers un idéal de maîtrise gestionnaire (pour ne pas dire une “passion gestionnaire”). Le plus souvent ces perspectives sont contre-productives sur le plan de la qualité des pratiques professionnelles (soin, accompagnement, formation, travail…). Elles influencent la praxis elle-même et en particulier sa souplesse, son adaptabilité et sa nécessaire créativité. Mais elles peuvent tendre également à imposer des choix épistémologiques discutables, dans la recherche en particulier, ce qui peut avoir secondairement des résonnances à effets récursifs, sur la formation, initiale ou continue, des professionnels.  

Les praticien.nes dans le champ de la “mésinscription, selon l’expression d’A-N. Henri, sont, par exemple, confronté.es à un grand bouleversement des assises de leur pratique, ce qui entraine également un bouleversement des représentations de la tâche primaire. Ces bouleversements vont même jusqu’à générer chez ces professionnel.les ce que C. Dejours nomme une “souffrance éthique” (1998). 

Ces constats incitent à mettre en évidence et faire valoir tout un pan essentiel de l’efficience des pratiques professionnelles, qui échappe à l’évaluation et à la maîtrise gestionnaire. Ce pan concerne la dimension transdisciplinaire de ces pratiques, c’est-à-dire tout ce qui transcende les spécificités et technicités disciplinaires liées aux différents métiers et aux différentes formations des professionnel.les. Comme le souligne A. Ciccone (2018), “La transdisciplinarité concerne ce qui est essentiel (…) dans la relation humaine et qui dépasse la spécificité de chaque discipline” (p. 4)[1]. 

De leur côté, et en dépit des injonctions à le faire, les chercheurs.euses en psychologie et plus largement en sciences humaines peinent à promouvoir la production de savoirs aux sources plurielles,suffisamment affranchie des silos disciplinaires tout en garantissant une rigueur méthodologique propre à toute prétention scientifique. Le manque de débat sur la diversité épistémologique, et ses éventuels espaces de complémentarité, contribue probablement à cette difficulté. On peut se demander à quelles conditions une “épistémologie de la complexité” (Morin, 1986)[2] permettrait de soutenir l’émergence d’une paradoxalité heuristique. Et quels en seraient les espaces propices ou d’entraves ?  

Ce colloque du département Formation en Situation Professionnelle tentera d’explorer les diverses figures d’une transdisciplinarité, souvent implicite, dans les pratiques en lien avec l’utopie ou l’urgente nécessité d’une perspective transdisciplinaire au cœur de la recherche.  

[1]Ciccone, A. (2018). Aux frontières de la psychanalyse : Soin psychique et transdisciplinarité. Dunod.  

[2] Morin, E. (1986). La méthode. 3. La connaissance de la connaissance, Paris, Seuil. 

 

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